et ouais c'est fini, comment tu le savais ?
(y'aura des vidéos de strasbourg, t'inquiète)
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(gravure : jean-marc renault -
http://www.jmr02.blogspot.com)
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94 : 06
Emilie Fortin est née en mille huit cent quatre-vingt-sept. Sa mère était sujette à des sautes de comportement : aimante un jour, colérique et violente le lendemain, méchante et ordurière avec ses enfants, attentionnée avec son époux, prenant bien soin de montrer à ses enfants quelles merdes ils étaient et quel merveilleux père ils avaient. Emilie n’avait pas beaucoup de rapports avec ses deux frères. Elle a développé assez tôt des tendances au mutisme et à l’imbécillité qui se sont aggravées entre mille huit cent quatre-vingt-quatorze et mille huit cent quatre-vingt-dix-neuf, époque où sa mère abusait régulièrement d’elle.
Après son placement en orphelinat sa santé mentale s’est dégradée et sa sexualité est devenue incontrôlable. Elle organisait dans sa chambre des partouzes entre pensionnaires, avec la complicité et souvent la participation des infirmiers. Elle se faisait baiser par tout le monde et de toutes les façons possibles. Lorsque le scandale a éclaté le directeur l’a mise dehors.
Emilie a vécu à la rue dans un état de bestialité. Les clochards et la police la connaissaient. Tout le monde la faisait tourner. Elle ne disait jamais rien et se laissait faire avec passivité. C’est un flic qui l’a sortie de la rue. Il l’a mise sur le trottoir pendant sept ou huit ans. Quand elle est devenue trop vieille pour faire la pute il l’a tabassée et laissée pour morte.
Il y a eu ensuite diverses péripéties, toutes marquées par le sexe et la violence. Son dernier métier a été femme de peine d’un fermier de l’Aveyron. Sa santé mentale a semblé se stabiliser. Le fermier a tenté de l’éduquer et parfois avec violence. Ils ont eu une fille. Au début de la guerre le fermier a été mobilisé. Emilie s’est trouvée seule avec sa fille de douze ans. Elle l’a violée et battue tous les jours jusqu’au retour de son mari en mille neuf cent quarante-trois. Huit ans après elle est morte dans un asile des suites d’une syphilis contractée bien des années avant.
95 : 05
Marie-Rose Pontels est née en mille neuf cent vingt-deux. Après l’avoir reconnue son père a assumé seul son éducation, sa mère étant trop déséquilibrée pour s’occuper d’elle. La raison pour laquelle ce fermier croyant et inculte s’est mariée avec une nymphomane autiste est restée incompréhensible.
Marie-Rose a reçu une éducation sévère, misogyne, rétrograde et bigote, administrée par un père omniprésent et étouffant et en présence d’une mère inexistante et apathique. Au départ de son père pour le front, le choc a été rude et la transition au cours de laquelle la fillette de douze ans était livrée à elle-même tandis que sa mère crasseuse et indifférente errait dans la maison a duré environ deux mois, ensuite les délires de la mère ont repris le dessus. La première fois qu’elle s’est fait violer par sa mère, Marie-Rose a fugué mais les gendarmes l’ont ramenée et sa mère l’a séquestrée. Elle n’est plus jamais sortie de chez elle. Sa mère la forçait à la doigter, à la lécher et à lui introduire des objets dans le vagin et ne la nourrissait qu’après avoir été satisfaite sexuellement. Elle la battait. Elle la livrait aux abus de deux voisins qui profitaient aussi bien de la mère que de la fille. L’un des deux a mis Marie-Rose enceinte. La terreur qu’elle éprouvait était accrue par l’abattement dans lequel la plongeait sa grossesse. Les voisins ont cessé de venir.
A son retour un an plus tard, le choc a été vif pour le père. Il a interrogé sa fille. Il a battu sa femme avec violence. Il a ensuite pris son fusil, est allé assassiner les deux violeurs et s’est donné la mort. Les gendarmes ont conduit Marie-Rose à l’hôpital. Après qu’elle en soit sortie elle s’est occupée de sa fille jusqu’à son décès en mille neuf cent quarante. Elle est morte avant de voir mis au monde l’enfant que sa fille attendait. Marie-Rose a assisté jusqu’au bout à l’agonie de sa mère et à l’effondrement de son esprit.
96 : 04
Louise Pontels est née en mille neuf cent quarante. Sa mère la battait et la violait avec des objets dans le but de l’éduquer, de la punir et de la récompenser. Orpheline très jeune, elle a été confiée à sa famille proche. La plupart des jeunes du village ont baisé avec elle. Elle ne refusait jamais. Quand il a appris que sa fille adoptive était une traînée son oncle l’a chassée.
Elle est devenue bonne dans une ferme. Son employeur connaissait son histoire. Après avoir abusé sexuellement d’elle pendant des mois, il l’a prostituée. Au bout de quatre ans elle a pris la fuite et a survécu en faisant des ménages et en tapinant, jusqu’à ce qu’elle rencontre mon grand-père. A cette époque c’était un homme violent, buveur, coureur et indigne de confiance. Il battait Louise tous les jours et lorsqu’elle est tombée enceinte il a déclaré que le bébé pouvait crever puis, par un revirement de sa pensée quelques semaines plus tard, a décidé que sa femme garderait l’enfant. Il a cessé de fréquenter les prostituées et les bars sans pour autant renoncer à la boisson ni à la violence, qu’il a exercée à part égale à l’encontre de sa femme et de sa fille, et s’est découvert une vocation paternelle. Il a imposé aux deux femmes une éducation très rigide. Il ne tolérait ni désobéissance ni contestation. Il attendait de son épouse et de sa fille une soumission totale.
Pour consoler sa fille de la violence paternelle, Louise a pris l’habitude de lui rendre visite la nuit dans sa chambre et de la toucher. Elle la violait presque tous les jours pour les apaiser toutes les deux de tout ce que le père leur faisait subir. Louise a fui son foyer en mille neuf cent soixante-six. Son mari s’est remarié avec sa maîtresse la même année et elle est devenue celle que j’ai toujours connue comme ma grand-mère. Vingt ans plus tard il s’est suicidé au cours d’un repas de famille.
97 : 03
Ma mère est née en mille neuf cent cinquante-quatre et elle est morte en mille neuf cent quatre-vingt-huit. C’est moi qui l’ai tuée. Tout au long de son enfance elle a été battue par son père et violée par sa mère, qui s’est enfuie quand ma mère avait douze ans, ce qui a brisé chez elle toute capacité à faire confiance aux autres. Son père a continué à la battre et sa belle-mère ne l’a jamais consolée, au contraire puisqu’elle profitait de chaque occasion qui lui était donnée de l’humilier. Ma mère regrettait les câlins de sa vraie maman car ces câlins représentaient la seule chose positive de toute son enfance. Elle a fugué une première fois à treize ans et puis de nombreuses autres entre treize et dix-huit ans. A chaque fois les gendarmes la ramenaient et à chaque fois ses parents la battaient et la punissaient avec encore plus de violence et de sévérité. Au fil du temps le souvenir de l’amour que lui portait sa vraie maman et le souvenir des câlins qu’elles faisaient en secret sont devenus son unique source de réconfort et de plaisir. Elle se masturbait en y pensant.
A sa majorité elle s’est enfuie une nouvelle fois, a rencontré mon père, s’est mariée et a renoué des liens avec son père et sa belle-mère. Ma mère n’a jamais été amoureuse de mon père. Elle n’a jamais rien aimé sur cette terre à part sa mère et moi. Je crois qu’elle était incapable d’amour et que ses parents avaient aboli chez elle la capacité à aimer. Mon père, pour des raisons que je ne comprends pas, acceptait ça. Il avait épousé une femme amère, triste et haineuse et il acceptait ça, peut-être par amour. A ma naissance le comportement de ma mère a semblé se transformer. J’ai toujours connu ma mère comme une femme triste mais pas haineuse, au contraire remplie d’amour pour moi. J’aime l’idée que cette transformation a pu contribuer au suicide de mon père.
98 : 02
J’ignore à quel moment j’ai attrapé la syphilis. Peut-être est-ce ma mère qui me l’a refilée ? Comment savoir ? Je ne crois pas avoir eu beaucoup de maladies quand j’étais petit. Je ne sais pas si à l’époque on la diagnostiquait facilement. En tout cas ce qui va me tuer, c’est la syphilis quaternaire. Celle qui touche dix pour cent des malades et qui se déclare au minimum vingt ans après l’avoir attrapée. La forme terminale, la fatale. J’ai eu tous les symptômes, les uns après les autres, un vrai catalogue médical, les crises de démences, les convulsions, tout. Je restais terré chez moi comme un animal, je ne me nourrissais plus. Je ne pouvais plus sortir. Pas question de chasser. Je passais des journées entières allongé dans le lit, je chiais et pissais, je gueulais n’importe quoi. La crise durait un ou deux jours et après il fallait nettoyer. Je revivais des souvenirs de manière extrêmement précise, à la manière de flash-back ou d’hallucinations. Les décors de mes réminiscences apparaissaient plus vifs que la réalité et s’y substituaient parfois. J’entendais les voix des gens morts qui venaient me parler, tout se mélangeait, je n’y comprenais rien. Il y avait aussi de longs moments où rien ne se passait, ni attaque ni symptôme. J’étais faible. La maladie m’endommageait les nerfs, les muscles et le squelette. Me procurer à manger devenait une épreuve, manger était pire, garder la nourriture plus d’une heure était impossible. Quand je ne souffrais ni n’étais plongé dans une crise j’attendais avec anxiété la suivante. Mes articulations étaient de plus en plus crispées, mes muscles n’obéissaient plus. J’avais des douleurs à tous les os. Je sais qu’à la fin je ne pourrais plus du tout bouger. Je ne contrôlais plus du tout ma vessie ni mes sphincters. La lumière me faisait mal partout, le moindre rayon de soleil, la plus petite ampoule, me rayaient la peau comme du verre pilé. Je vivais dans le noir comme une bête. J’agonisais.
99 : 01
Après trois mois d’insupportables souffrances je vais crever à trente-sept ans sans jamais avoir été inquiété par la police. L’agonie proprement dite durera une dizaine de jours. Ca paraît court, énoncé comme ça. Je vais me sentir crever. Mon corps se disloquera. Toutes mes veines me tortureront. Je les sentirai devenir plus étroites et mon sang devenu plus solide et plus aigre ressemblera à du pétrole. Quand je serai complètement paralysé j’attendrai la mort et à ce moment-là mes nerfs seront trop détruits et mon cerveau trop endommagé pour que je continue à ressentir la douleur. Je viens de passer trois jours dans la cuisine, effondré sur le sol, traversé de souvenirs précis et incompréhensibles, j’ai cru que c’était terminé mais non, ça n’était qu’une crise de plus, l’avant-dernière sûrement. Ca fait quelques semaines que les démons ne se montrent plus. Ils rodent, patientent, guettent le moment de venir me chercher. Leur prochaine apparition signifiera que je serai l’un des leurs pour toujours.
Mes artères, mes veines, le moindre capillaire est une source de souffrance, comme si tout mon système circulatoire charriait un poison. Tout mon corps est enflammé d’une douleur que je n’ai jamais connue. J’ai perdu l’ouïe, l’odorat, le goût et bientôt je perdrai le toucher et la vue. Ma conscience s’effiloche et se disloque. Quelquefois je ne reconnais pas l’endroit où je me trouve. Je subis des insuffisances respiratoires ou cardiaques. Même mes fonctions réflexes se dégradent.
Je ne sais pas de quoi je vais crever au juste, ce qui va enfin tout interrompre. Peut-être que je vais mourir de faim, ou peut-être d’arrêt cardiaque, ou peut-être que mon cerveau va cesser durant un trop long moment d’être oxygéné et que tout s’interrompra. Sûrement je perdrai la vue puis la conscience, puis j’éprouverai un moment de panique très intense qui sera ma toute dernière sensation. Je serai mort. Mon corps fonctionnera encore quelques minutes et ça sera terminé. Les démons viendront, me prendront avec eux, j’appartiendrai à Anteros pour l’éternité.
00 : 00
J’ai écrit ce récit au cours de mes divers moments de lucidité et pendant les heures où je ne souffrais pas trop. Il ne contient aucun mensonge, aucune exagération, et j’espère le moins de subjectivité possible. J’ai voulu raconter les faits et uniquement les faits, aussi bien ceux qui se passaient dans votre monde que ceux qui se déroulaient dans le mien.
Je ne regrette rien de cette vie et j’attends la suivante avec impatience. Si je suis incorporé à Anteros, j’accepterai cela avec gratitude. Je parcourrai les enfers, je serai un démon. Si je reviens sur cette Terre, alors je tuerai à nouveau.
Je n’ai pas écrit cette confession pour qu’on me pardonne car il n’y a rien à pardonner. Je n’ai commis aucun crime, en tout cas aucun selon mes critères et aucun selon ceux d’Anteros. Je n’ai fait qu’utiliser les pouvoirs que la nature m’a donnés. Je m’en suis servi pour honorer ceux que je vénère et que j’aime. Je n’ai pas non plus écrit cette confession pour qu’on me comprenne. Que vous me compreniez ou pas, que vous m’approuviez ou pas, vous qui me lisez assis dans votre fauteuil, cela n’a aucune importance. Ce qui est fait est fait et vos commentaires n’auront aucune conséquence.
Cette confession est un temple. C’est mon dernier temple, celui qui enfermera mon âme pour l’éternité. Chaque chapitre en est une pièce et l’œuvre entière en dessine le plan complet. Ses dimensions et son architecture ont été calculé avec précision et en suivant un but qui est celui d’Anteros.
Cette confession est aussi un encouragement lancé à mes semblables, s’il y en a. Qu’ils sachent qu’ils ne sont pas seuls, qu’il y en a eu d’autres comme eux et qu’il y en aura d’autres encore. Qu’ils sachent enfin que ce qu’ils accomplissent est le bien. Vous méritez ce que vous subissez. Nous méritons Anteros.
J’attends la mort avec impatience. Je vous hais. Je tuerai encore quelle que soit ma forme future. Je tuerai encore.
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la nuit noire c'est terminé.
la semaine prochaine holocauste, roman de sf.