"Berg... mouais... je le connais moins bien que son maître ou que Webern, qui est plus radical et plus pur. La problématique du sérialisme intégral a été exploitée et retournée dans tous les sens, de plus sa composition peut se faire totalement automatiquement, ce n'est qu'un algorithme totalement formel. Je me situe plus dans la lignée d'un Cage qui consiste juste à introduire le vivant, je m'impose des règles mais aucune n'est absolue, de plus, mon ambition a toujours été de mélanger des règles de musique populaires et de les parodier, je reste traditionnellement ancré dans le breakbeat mais avec les ambiences propres à la musique sérielle, sans pour autant en respecter scrupuleusement les règles. Je me place dans la logique des années 2000 : synthétisme et auto-organisation à partir de règles simples itérées et non immuables."
Globalement, surtout quand tu connais l’iconoclasme de Webern, Berg ou Schönberg dans une moindre mesure, et leur rapport à la tradition (romantique, postromantique), je te trouve un peu obséquieux vis-à-vis de ces noms-là – je ne parle même pas de Cage, chez qui le mots "lignée", "disciple" ou "continuateur" devaient provoquer des crises de rire.
Par ailleurs, ton technicisme (tu te targuais plus haut d’un professionnalisme et fustigeais l’amateurisme des autres membres du forum) s’accorde mal avec les conceptions de Cage : c’est une influence là encore plutôt répandue que ta musique ne semble pas assimiler ou détourner plus efficacement qu’une autre. Le fait même de produire des tracks dans les limites de constantes d’exécution ou de restitution définies par un milieu, un public, une attente générique, rend d’office la référence à Cage éminemment suspecte. Tes remontrances envers ceux qui n’ont aucune notion de « grammaire musicale » sont en totale contradiction avec le formalisme éclaté de ton maître ; pour tout dire, tes définitions normatives de ce-que-doit-être-la-musique (exigeante, pensée, construite, sophistiquée) me semblent trop éloignées du génie vandale de Cage pour qu’on puisse prendre au sérieux ton chapelet de références.
Ton problème semble plus social qu’artistique : tu n’admettras pas que l’intérêt d’une musique dont l’auteur est incapable de conceptualiser sa pratique. Réflexe estudiantin et journalistique courant. Un autre réflexe courant est de taxer d’amateurisme et de légèreté coupable un type qui explose les codes établis avec jubilation et potachisme (je ne défends pas PM de qui je n’ai jamais entendu aucun son) : je constate par exemple que les Residents font face aujourd’hui (ou, disons, faisaient face, hier) aux mêmes insultes surcultivées que Cage autrefois.
"Quand je suis spectateur de musique, je me concentre sur la musique, il peut être plaisant d'avoir un vj qui clignote ou un arabe en pampers qui bondit sur scène, mais pour moi, ça reste de l'ordre de l'extra-musical"
Je te parlais d’une transe d’instrumentiste, d’exécutant (de perfomeur si tu préfères, encore que le terme soit trop densément connoté), pas d’un type sous acide qui bouge sur de l’acid (même si le mimétisme est peut-être marquant, je sais pas). La réduire à une manifestation exogène et forcément étrangère, c’est remettre en cause la qualité vibratoire de la musique et la qualité vibratile du corps humain, ce qui est pour le coup scientifiquement intenable, mais tu peux relever le défi si ça te tente.
"on parlera alors d'un message extra-musical intelligent"
Si tu peux éviter ce genre de scories universitaires à l’avenir, ça rendra le tout un peu plus digeste.
AnHu, relations.publiques[at]ardkor.com