et sa réponse dans acrimed.
Une réponse au texte de Joelle Levert (" Un cas de harcèlement moral à Radio France ", par Joëlle Levert) que Daniel Mermet a adressée à Acrimed, conformément à notre souhait (lire Daniel Mermet mis en cause et Mis en cause pour "harcèlement moral", Daniel Mermet répond.)
Toute l’équipe de « Là-bas si j’y suis » a été consternée par le geste de Joëlle. Le lundi 6 octobre 2003, après avoir absorbé une dose excessive d’anti-dépresseur, notre assistante a été prise de nausée en présence des collaborateurs de l’équipe qui l’ont aussitôt conduite à l’infirmerie de Radio-France. Depuis plusieurs mois elle manifestait un état de fragilité psychologique qu’elle imputait au surmenage et à des problèmes familiaux ou personnels. Elle prenait des tranquillisants qui la rendait parfois imprévisible mais personne dans l’équipe n’avait pu prévoir un tel geste, heureusement sans conséquence pour sa santé.
Aujourd’hui après une période de repos, elle intègre une émission hebdomadaire. Donc un rythme beaucoup moins soutenu, ce qu’elle souhaitait et ce que toute l’équipe lui suggérait. Ce changement d’affectation proposé par Jean-Luc Hees directeur de France Inter, n’aura pas d’incidence sur sa rémunération. Depuis la rentrée de septembre 2002, Joëlle est en CDI (Contrat à Durée Indéterminée) et bénéficie d’une garantie d’emploi. Le rythme d’une émission quotidienne est éprouvant, tout particulièrement une émission élaborée comme « Là-bas si j’y suis », et spécialement le poste crucial d’attaché de production, à la fois secrétaire, documentaliste, coordinatrice, avec le coup de feu quotidien de l’émission à 17 heures. Depuis des années nous demandons un collaborateur supplémentaire au moins à mi-temps, depuis des années c’est le même refus (cordial). Très spontanée, très sensible, du genre qui « prend les choses trop à cœur », Joëlle, ne se faisait pas à ce tourbillon incessant, Elle va pouvoir respirer et découvrir un autre univers radiophonique. En somme il s’agit d’un simple changement d’affectation. Avant chaque saison radiophonique les équipes se créent ou se modifient ou repartent ensemble pour un nouveau bail. Affaire de convenance, d’attirance, de compétence ou de simple envie de changement [1].
Sauf que cette fois le changement a viré au psychodrame.
Juste après cet incident, courant octobre, Joëlle a fait circuler un texte vengeur et passionnel qui dresse de moi un portrait assez peu séduisant. Elle se présente en absolue victime, seule et sans aucun droit ni aucun recours, tyrannisée par le méchant monstre cynique et puissant que je suis comme chacun sait. « Je suis victime depuis de longs mois, en fait des années, de harcèlement moral de la part de Daniel Mermet » écrit Joëlle Levert. Bigre ! Les amateurs et les mateurs de « face cachée » se pourlèche. On voit déjà les titres, « L’agitateur de la conscience humaine torturait sa pauvre assistante ! »
Ce texte est une suite de calomnies et d’invitations au lynchage médiatique qui seraient préjudiciables s’il n’avait été dicté par la colère. Colère dont il est vrai que je suis mal placé pour m’indigner. Bien peu me croiraient si j’affirmais que Là-bas si j’y suis est un long fleuve tranquille où se baigne Amélie Poulain en compagnie de Jean-Marc Sylvestre. Tout comme une certaine sociologie, « Là-bas si j’y suis » est un sport de combat. Mais de là à me voir dénoncé en tortionnaire moitié Teinardier moitié Landru, c’est une peinture à laquelle j’hésite tout de même à souscrire.
Soyons clair. Je ne mets nullement en doute le désarroi de Joëlle, mais le vent de la vengeance la pousse vers les récifs mortels de la mauvaise foi.
Ainsi elle laisse entendre que j’ai le pouvoir d’un patron régissant contrat, horaire, salaires vie et mort du petit personnel. Bien qu’affublé du titre de « Producteur délégué », je ne contrôle nullement le budget de l’émission, pas plus que je ne suis l’employeur des collaborateurs. Le choix d’un nouveau collaborateur se fait avec l’accord de la direction. C’est la règle pour toutes les équipes des programmes. Pour avoir maintes fois essuyé le refus (cordial) de l’administration à mes demandes d’augmentation pour les collaborateurs de l’équipe (notamment les reporters et pour le poste d’attaché de production qu’assumait Joëlle) je puis affirmer que je ne suis nullement habilité à fixer contrats et rémunérations ! Comme la plupart des collaborateurs des programmes, toute l’équipe est en CDD, y compris moi-même [2]. Nos contrats prennent fin en Juin 2004 et rien ne nous assure qu’ils seront reconduits. Mais contrairement a ce que Joëlle suggère je ne suis en rien responsable des « 7 CDD » successifs sous lesquels elle a travaillé avant de signer un CDI à la rentrée 2002. Deuxième oubli de taille. Avant d’éponger les larmes de la pauvre assistante et de courir au lynchage de son salaud de patron avec son émission brejnevienne en forme de pneu autour du cou, il faut évoquer un curieux cas de servitude volontaire.
Une question : Oui ou non, Joëlle pouvait-elle s’évader des cachots de « Là-bas » ? Au printemps 2002 elle accepte le principe d’un contrat en CDI qu’elle signe à l’automne. La voilà qui « fait partie de la maison ». Comme tous les attachés de production, elle a la possibilité de demander une autre affectation sans perte de revenu. Elle peut aller voir sur France-Culture ou d’autres chaînes. Mais elle choisit de demeurer « Là-bas ». Or aujourd’hui elle prétend qu’elle était alors victime de l’odieux tyran ! Si c’était vrai pourquoi n’est elle pas partie ? On le voit, sous l’empire du ressentiment, Joëlle ne s’encombre ni de vérité, ni même de vraisemblance.
Car la vérité est toute simple.
Avec le temps un désaccord s’était installé entre nous sur la façon d’organiser le poste d’assistante .Quelque chose s’est déréglé peu à peu. Phénomène très ordinaire dans des relations de travail. Les choses devenaient impossibles pour tout le monde. Les crises étaient récurrentes avec chacun. Comme dans beaucoup d’autres émissions, l’équipe de « Là-bas » ressemble à un petit orchestre. Difficile d’y jouer un autre air sur un autre tempo. Et il faut beaucoup de feeling pour assurer le bœuf quotidien ! En Mai, lors d’un déjeuner, l’équipe lui a conseillé de décrocher. Inconcevable, pour elle. Elle est tombée en larmes et s’est enfuie comme un enfant chassé par sa famille.
Depuis septembre 89, « Là-bas » n’existe que par l’engagement et les convictions de celles et de ceux qui ont vécu et fait vivre cette aventure. Parmi une soixantaine de collaborateurs depuis quinze ans, il y a eu des révélations, des erreurs de casting, des fâcheries et des retours, de vraies amitiés et de grandes amours...Et de solides rancunes ! De vraies rancunes villageoises qui se transmettront jusqu’à la septième génération de moquette au long des couloirs de la maison ronde bien après sa privatisation...
Je pourrai reprendre chaque point du texte de Joëlle, et dénoncer amalgames confusionnels, allégations sans preuve, citations soigneusement extraites du contexte, etc...Je n’ajouterai que la mesquinerie à la stérilité [3]. De n’importe quelle expérience humaine, n’importe qui peut tirer un bilan accablant. Il suffit d’accumuler tous les mauvais moments d’une histoire, coups de colère, malentendus, vacheries, fâcheries...vous pouvez en inventer, tous les coups sont permis, vous les épluchez, vous les mitonnez, vous les servez avec une sauce au fiel...L’inconvénient c’est que ça vous oblige à jeter les bons moments vécus, tout ce que vous aviez pris et appris, les petits et les grands bonheurs, les jolis morceaux de lutte et de vie, les commandos fadas, les naissances, les coups de rouge sur un coin de bureau...C’est très dur quand il faut déchirer les photos !
Et voilà pourquoi Joëlle n’est pas partie à temps. Pour les photos, pour les futures photos. Parce qu’elle était partie prenante, trop généreuse, trop attachée. Il aurait fallu changer bien plus tôt, en douceur, aller voir là-bas si j’y suis. Mais allez donc essayer de mettre de la raison dans une histoire d’amour ! Au lieu de ça, Joëlle a mis en acte un autre de nos titres : « Mords la main qui te nourrit » ! ...
Joëlle, sans rancune, je te tends celle qui me reste.
Daniel Mermet, 1er décembre 2003.
zut, databaza a ressorti les poubelles mais en a oublié chez lui.
Passionnant, je veux mettre tout cela dans une bouteille en plastique que je déposerais en bas de ma mairie.