John Muir (1838-1914), Écossais d'origine, alors qu'il reste quasiment inconnu en France, est une des figures mythiques des États-Unis où il est considéré comme le père des Parcs Nationaux et l'un des premiers hommes à avoir perçu les dangers de l'exploitation de la nature - par essence sauvage. Ses Souvenirs d'enfance et de jeunesse sont à la fois passionnants et exaltants. John, dès son enfance, est confronté aux difficultés de la pauvreté et du travail tout en étant émerveillé par les beautés de la nature. À leur valeur unique de témoignage s'ajoute une vision du monde qui n'enlève rien à la fraîcheur de ses Souvenirs. Ses capacités intellectuelles et techniques d'inventeur lui ouvrent toutes les portes mais son choix est fait : " J'aurais pu devenir millionnaire et j'ai choisi d'être un vagabond ". Il travaille et rêve désormais à un jour où la prise de conscience collective obligera les gouvernements à protéger la nature - héritage commun de tous les êtres vivants - en nous mettant en garde dès le XIXe siècle. Cette démarche à contre-courant pouvait paraître à l'époque celle d'un illuminé ; elle se révèle de plus en plus prophétique. Autant - si ce n'est plus - que Thoreau, John Muir restera, grâce à son action et à ses écrits, un " compagnon " des générations futures.
Homme d’action avant tout, John Muir n’a, tout compte fait, publié que très peu de livres, et seuls
ses Souvenirs d’enfance et de jeunesse étaient conçus dès l’origine pour former un volume. Il a, en
revanche, beaucoup écrit. Du corpus important que constituent ses carnets manuscrits, une petite
partie seulement a été mise en forme et publiée – par lui-même (Un été dans la Sierra, Voyages en
Alaska) ou, de manière posthume, par son exécuteur testamentaire (Quinze cents kilomètres à
pied dans l’Amérique profonde, Journal de voyage dans l’Arctique). Et de la même façon, son
énorme correspondance n’a fait l’objet que d’éditions très partielles. Dispersés dans diverses revues où leur impact sur l’opinion publique et les décideurs politiques était sans doute plus assuré et plus immédiat, ses articles représentent peut-être l’essentiel de son oeuvre. Qu’il s’agisse de portraits de plantes ou d’animaux, de récits de courses en montagne ou d’autres aventures vécues, on y retrouve toujours le passionné de la nature, qui jamais ne se lasse de la décrire, de la louer, de la célébrer. Parler de la nature est pour John Muir un plaisir toujours neuf, toujours renouvelé, un plaisir communicatif. Son enthousiasme lumineux gagne inévitablement son lecteur, qui le voit, et se voit avec lui, plongé dans les paysages grandioses qu’il dépeint, à l’affût d’un oiseau aussi étonnant que discret ou stupéfait devant une fleur jusque là inconnue. Tout, en effet, dans la nature suscite l’admiration, et l’article qui restitue cette merveilleuse expérience vibre d’une intense émotion. Mais pas seulement. Il est aussi d’une extrême précision. Précision de l’observateur, précision de l’homme de plume. La sensation de plénitude qu’éprouve le lecteur vient de ce que l’auteur réussit à toucher simultanément le coeur et l’intellect. C’est au moment même où l’information qu’il reçoit est la plus précise que l’impression ressentie est aussi la plus vive, et les deux sont indissociables.
Ce choix de textes majeurs, qui sont autant d’hymnes à la nature, vient ajouter au portait kaléidoscopique de John Muir, dont disposait déjà le lecteur francophone à travers les ouvrages
traduits précédemment, une facette nouvelle et inattendue, celle d’un lyrisme flamboyant allié à
l’information la plus rigoureuse. Mais il s’agit aussi de textes de combat, qui, un siècle plus tard, conservent toute leur pertinence. La question de la protection du milieu naturel ne s’est jamais posée avec plus d’acuité qu’à l’heure actuelle. Saurons-nous entendre une voix, qui, dans notre propre intérêt, nous demande d’ouvrir les yeux et de faire preuve de courage ?