Auteur Sujet: Les déversoirs électroniques  (Lu 2385 fois)

Syd

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Les déversoirs électroniques « le: septembre 13, 2011, 10:57:25 am »
Je poste ici un article paru dans CQFD de mai dernier et qui m'a bien interpelé, au sens où je me suis reconnu comme protagoniste de débats en ligne souvent peu constructifs, car pourris par les "bons mots" et faisant la part belle aux tentatives de "moucher l'adversaire". Mea culpa, donc. Mais je ne crois pas être le seul ici qui puisse se sentir concerné  smiley9

Voici l'extrait le plus intéressant de ce texte :
"Mais, comment dire, les cyber-polémiques, [CQFD] ne s’y fait pas : quelque chose ne passe pas. On les écrit comme on prend part à un match de catch, et on les lit comme on se divertit d’un scandale ou d’un fait divers. Grandes menaces, déclarations définitives, citations et contre-citations, le forum est assurément un beau spectacle : on se croirait dans le salon littéraire d’avatars invincibles. S’il contribue à la réflexion sociale et politique, c’est une autre question. Sécheresse du verbe électronique oblige, ce qui était une querelle d’amis devient une divergence irréconciliable, ce qui s’annonçait comme un désaccord argumenté s’enfonce dans le règlement de comptes et ce qui relevait du débat nécessaire vire à l’empoignade de foire. On clique et on reclique, on rafraîchit la page, on s’offusque d’untel, on félicite tel autre, et d’un coup de clavier on tourne un troisième en dérision : exit ses belles réflexions. Égalité, liberté d’expression ? On a plutôt l’impression d’une mise en procès de tous contre tous, où les plus aigris se découvrent puissants et déversent leur bile avec une euphorie mauvaise.

Des idées passionnantes, des émotions réelles, des découvertes précieuses, il en fourmille dans les forums. Mais que le débat prétende s’installer d’ordinateur à ordinateur, et les idées, les émotions, les découvertes sont comme réduites au triste état de pure réaction dans le flux incessant des réactions. Au mieux, on en tire un autre forum. Les commentaires rageurs sont à Internet ce que les petites phrases sont au monde politique : une actualisation du spectacle. On ne retient rien, mais on a comme un goût mauvais dans la bouche : on n’a pas réussi à faire comprendre ce qu’on voulait dire, on n’a pas vraiment lu ce que les autres ont mis. Juste un goût de bataille inachevée. Ce qui manque, dans un débat électronique, c’est le temps et c’est l’autre : on est tout seul, tout seul et salement pressé. Et si on arrêtait tout pour se causer sans machines ?
"

weroz

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Re : Les déversoirs électroniques « Réponse #1 le: septembre 13, 2011, 13:16:47 pm »
oui d'ailleurs je pense avoir identifié les coupables: les idéologies
quand j'étais jeune je m'amusais à troller des newsgroups pour traiter des gens de nazis
je trouvais ça amusant et j'avais l'impression d'être un justicier masqué
j'ai même voté chirac pendant cette époque
et puis un jour j'en ai eu assez, mon camp étant particulièrement discrédité et atomisé, j'ai simplement écouté les gens réputés être mes ennemis, les gens que je m'étais interdit de considérer, parce que hitler, le christ, pétain, barbe bleue, predator, et toute l'idéologie antitruc
et ce jour là c'est moi qu'on a traité de nazi
mais je suis certain, qu'une fois qu'on aura mis les ismes à la poubelle, que l'on arrivera à les débusquer et les chasser des endroits les plus inattendus, les gens commenceront à se considérer comme des être humains et non plus comme des agents de tel ou tel camp
je commence à penser que le système d'asservissement des masses, si il existe, prend place d'abord dans nos têtes avant de se concrétiser dans le réel pour commencer son sale travail de division
c'est nouveau pour moi de penser comme ça, mais je trouve ça prometteur, comme si j'avais un peu retrouvé la liberté de penser, une pensée vivante, et pas figée dans le marbre comme les dogmes de la pensée libérale ou toute autre vérité révélée
mais bon
on verra bien
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Staross

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Re : Les déversoirs électroniques « Réponse #2 le: septembre 13, 2011, 14:32:13 pm »
J'ai pas vraiment l'impression que ca soit spécifique au débat électronique, celui qui parle le plus fort, qui prend la parole, les engueulades, l'énervement et l'impatience, etc. Ça arrive au moins autant et surement plus a l'oral qu'à l'écrit.

Ensuite un débat de qualité demande pas mal de choses, premièrement un sujet clair et bien définit, histoire de débattre de quelque chose et pas de tout et n'importe quoi. Le type de débat doit aussi être précisé (Politique "Est-t-il désirable que", scientifique "Est-t-il vrai que" ou philosophique "Est-t-il pertinent que"). Deuxièmement les intervenants ont besoin de certaines compétences : connaissance des arguments valides ou non (http://fr.wikipedia.org/wiki/Sophisme), une certaine qualité rédactionnelle (faire des phrases, ...), histoire de pouvoir dire quelque chose de précis et de lisible, capacité de synthèse ("il y deux positions, les arguments x et y sont en faveur de la position une, l'argument z n'est pas valide pour tel et tel raison"), etc.

En pratique il faudrait que la personne qui lance un débat (=crée un sujet) prennent un peu le temps de formuler la question clairement et veille au déroulement du débat (restreint les hors-sujets, fais des synthèses régulièrement, éventuellement une conclusion).

Dans l'idéal un débat ne devrait pas se tenir dans le vide mais dans la perspective d'une construction intellectuelle collective: débat publique, publication d'articles, constitution d'un corpus, que sais-je.

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Re : Les déversoirs électroniques « Réponse #3 le: septembre 13, 2011, 14:46:30 pm »
en gros tu expliques clairement pourquoi seuls les universitaires sont légitimes pour débattre, échanger leurs observations et tirer des conclusions que les quidams qui forment la populasse doivent admettre, car ils ne sont pas formés pour en discuter.

la méthodologie est peut-être importante dans les milieux scientifiques mais quand il s'agit d'exposer une expérience ou une observation c'est assez superflu, j'ai même l'impression que ça sert surtout à remplir le vide quand ça s'applique aux ""sciences humaines"", ou à signifier son appartenance à la caste des intellectuels institués pour avoir le droit d'être écouté.

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Syd

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Re : Les déversoirs électroniques « Réponse #4 le: septembre 13, 2011, 14:54:53 pm »
En matière de capacité à argumenter sur tous les sujets, j'aime bien la démarche de gens comme Jacques Testart et la Fondation Sciences Citoyennes, qui promeut ce qu'on appelle les "savoirs profanes". Cette démarche devrait permettre en théorie que chacun s'approprie n'importe quel sujet de société, et en premier lieu les sciences, humaines ou non, pour se faire une opinion propre et surtout éclairée (sur la base d'arguments contradictoires).

Staross

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Re : Re : Les déversoirs électroniques « Réponse #5 le: septembre 13, 2011, 15:04:00 pm »
en gros tu expliques clairement pourquoi seuls les universitaires sont légitimes pour débattre, échanger leurs observations et tirer des conclusions que les quidams qui forment la populasse doivent admettre, car ils ne sont pas formés pour en discuter.

la méthodologie est peut-être importante dans les milieux scientifiques mais quand il s'agit d'exposer une expérience ou une observation c'est assez superflu, j'ai même l'impression que ça sert surtout à remplir le vide quand ça s'applique aux ""sciences humaines"", ou à signifier son appartenance à la caste des intellectuels institués pour avoir le droit d'être écouté.

Rien de ce que je propose ne nécessite d'être universitaire. Les règles du jeu que l'on se propose dépendent bien entendu de quel jeu on veut jouer, mais si le but du jeu est de pouvoir dire quelque chose en lien avec le sujet du débat, avec quelque dégrée de confiance, ce sont des règles assez classiques et qui devraient fonctionner.

Bien sur on peut aussi se proposer : sont permis les arguments invalides, de parler d'autre chose que du sujet et d'écrire confusément.

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Re : Les déversoirs électroniques « Réponse #6 le: septembre 13, 2011, 15:36:38 pm »
il est tout à fait possible que cela arrive même avec tes préceptes

Citer
-le type de débat doit aussi être précisé
-les intervenants ont besoin de certaines compétences
-formuler la question

ce sont là trois leviers importants qui sont utilisés pour biaiser le débat dans les médias et les institutions

- typer un débat, c'est le mettre dans une case prédéfinie en prenant le risque de louper toute une dimension du sujet.
ex: si on veut parler de l'europe, et que l'on circonscrit le sujet dans l'aspect économique comme cela a été fait pendant ces soixante dernière années, on zappe toute la dimension sociale, culturelle, historique, géographique etc

- les compétences des intervenants, quelles sont-elles, souvent elles sont inscrites en dessous de la personne qui parle à la télé

ex: la même personne peut-être sur une chaine un responsable syndical, et sur une autre un professeur d'université ou un cadre d'un parti, car il est en fait dans la réalité les trois à la fois et rien ne garantit qu'il ait une compétence particulière sur la chose dont il parle

- formuler la question

c'est comme le premier précepte une façon de circonscrire le débat et d'y imposer son paradigme, le premier exemple convient donc également, mais je peux donner une infinité
ex:
le technicien qui est au service de sa machine sans s'interroger sur la finalité de son travail
l'urbanisme qui se propose d'améliorer la ville sans jamais se poser la question du bien fondé de la concentration urbaine
la politique qui se propose d'améliorer le capitalisme en lui laissant formuler les questions, et qui tombe donc dans ses travers


résultat, le débat public, qui est malgré tout toujours au centre de nos dîtes démocraties, ressemble à ça

Citer
Bien sur on peut aussi se proposer : sont permis les arguments invalides, de parler d'autre chose que du sujet et d'écrire [parler] confusément.

par contre, en pratique, c'est plus intéressant, que la personne qui lance un sujet veille à son déroulement et fasse parfois des synthèses, oui

Citer
En pratique il faudrait que la personne qui lance un débat (=crée un sujet) prennent un peu le temps de formuler la question clairement et veille au déroulement du débat (restreint les hors-sujets, fais des synthèses régulièrement, éventuellement une conclusion).
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