(d'abord : compte-rendu du live au point fmr)
jeudi 3/12, l’ami olivier allemane présentait au monde sa bien pimpante revue LA VERITE DEBRAILLEE, très chic dans son noir et blanc pas du tout débraillé, lui. on y trouve les meilleurs, comme toujours. mention particulière au texte illustré de dranem : mon préféré. pour se procurer cette merveilleuse chose, il faut écrire à laveritedebraillee@yahoo.fr
pour fêter ça, une soirée était organisée au point fmr. konsstrukt y était pour faire une lecture. konsstrukt, c’était moi-même (christophe siébert), daslook (
http://www.daslook.com) à la projection vidéo et the other colors (
http://www.theothercolors.com) à la musique et c’était organisé par la rondelle de Peter pan. La rondelle de peter pan, c’est le capitaine crochet et wendy. Wendy, cette connasse qui porte un chapeau pour masquer l’absence de pensée, Wendy, cette connasse qui porte au visage un loup noir pour cacher qu’elle n’a pas d’yeux, Wendy qui n’a pas honte de lire de la poésie comme si elle déclamait une récitation en classe de cm2, Wendy qui lit comme une fayotte qui voudrait faire mouiller la maîtresse. Wendy est une conne sans envergure. Le rondelle de peter pan, c’est aussi le capitaine crochet. Le capitaine crochet qui écrit comme moi je pisse : l’esprit ailleurs, le jet un peu en dehors du trou et en finissant par s’en foutre plein les doigts.
konsstrukt enfile son zob au centre de la rondelle de peter pan. konsstrukt encule bien bas la rondelle de peter pan. konsstrukt pisse dru sur le crâne médiocre du capitaine crochet et dans la bouche stérile de Wendy.
assez parlé des merdeux. au sommaire de la revue : thth – swen – muzo – baloup – dranem – allemane – dom garcia – magali brien – anne marché – jérôme bertin – renaud brébant – jean-louis costes – marjolaine sirieix – christophe siébert – charles pennequin – jérôme-david suzat – anne van der linden – jean-philippe pierquin
(ahlala, quand je repense à l'accueil du festival cannibal caniche...)
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RIEN - début de la deuxième partie
Depuis la mort de mon père c’est pire. Il est mort quand j’étais en cinquième. Je n’ai pas vu ça. Il a fait une rupture d’anévrisme. C’était un samedi matin. J’étais chez ma grand-mère. Ca arrivait des fois. Ma mère m’a raconté. Il était mort dans son sommeil. Etouffé par son vomi. Les voisins ont vu l’ambulance et la voiture de police. J’ai su tous les détails. Comme si j’y étais.
Ensuite pendant trois ou quatre mois ma mère sous somnifères. Elle n’a pas fugué pendant cette période. Et puis les fugues ont repris.
La première fois que je suis resté seul – tout seul – putain.
Elle ne va jamais revenir. J’étais dans le même était que maintenant mais en pire. J’étais dévoré d’angoisse. J’errais dans les pièces. J’avais tout de suite trouvé le mot à la cuisine. Juste pour me prévenir que je devais me faire à manger tout seul. Pas d’au-revoir – rien. Pas un bisou. Aucun cœur dessiné. Que dalle. Je ne me suis pas fait à manger. Je n’ai pas été à l’école. Elle est revenue le lendemain. Je lui ai demandé ce qui se passait. Elle m’a dit que ça arrivait des fois. Qu’il fallait qu’elle aille quelque part. Faire des trucs. C’est tout ce qu’elle à dit. J’ai pleuré. J’étais abruti de tristesse. Je me vidais en sanglots et j’essayais d’articuler des reproches. Je n’arrivais à rien – elle me regardait comme un bébé qui fait un caprice. Dans ses yeux : un mélange de tendresse et d’impatience.
Elle m’a laissé pleurer. Elle m’a laisser me vider – me calmer.
Quand j’ai été calme elle m’a redit. De temps en temps il fallait qu’elle fasse des choses qui ne me regardait pas. Pendant un moment j’ai cru que c’était des histoires de cul – mais non ses histoires de cul elle m’en faisait profiter. Je ne voyais pas. Je ne comprenais pas. Ma mère était un loup-garou.
J’ai des souvenirs de ma mère qui me reviennent. Des vacances à la plage – ma mère qui me montre des méduses – tout un banc de méduses crevées sur la plage et les vaguelettes qui viennent se briser dessus – le soleil – il est dix-neuf heures et nous nous apprêtons à faire un barbecue – toutes les voitures sont garées là – les femmes sont dans un coin à papoter et les hommes debouts s’affaire autour du barbecue en buvant des bières – le soleil est encore haut – les enfants jouent au ballon et moi je suis dans les jupes de ma mère je porte un short et rien d’autre et mes bras et mes jambes sont blancs et fins et on voit mes côtes – ma mère m’explique pour les méduses – elle me raconte et je l’écoute. Je me souviens de la lumière que ça faisait le soleil couchant sur les capots des voitures.
Un an après la mort de mon père – au restaurant – une pizzeria juste en face du collège où j’allais – c’était quelques mois avant qu’on déménage. On a pris chacun une pizza. C’est mon premier souvenir d’un repas en tête-à-tête avec elle. Je ne sais même pas s’il y en a eu d’autres. Quand on est entré dans le restaurant j’avais un peu honte à cause de la proximité du collège – mais on était samedi alors ça allait. Enfin quand même de savoir le collège tout à côté ça ne me rassurait pas beaucoup. Je n’aimais pas tellement ça le collège. Nous avons parlé de tas de trucs. A la fin du repas elle m’a annoncé qu’elle voulait me dire un truc important à propos de mon père. Ca m’a fait bizarre – un genre de boule à l’estomac – j’ai reposé ma cuillère et j’ai écouté. Je me souviens : je mangeais un tiramisu. Je n’aimais pas trop ça mais ça faisait bien – ça faisait adulte. Putain. C’était il y a cinq ans déjà. La vache. Cinq ans. C’est long. Je me reconnais à peine – c’est comme si ces souvenirs c’étaient pas vraiment les miens. C’est là qu’elle m’a dit qu’elle avait cessé d’aimer mon père un an ou deux avant sa mort. J’étais soufflé. Qu’elle me dise ça. Qu’elle ait attendu aussi longtemps pour me le dire. Qu’elle ose me le dire alors que ça ne me regardait pas du tout. Elle a continué. Moi je n’avais plus faim. Elle parlait d’une voix douce. Elle choisissait ses mots. Elle m’expliquait ça de la même manière que si elle voulait m’annoncer leur divorce prochain. J’étais sidéré – fasciné. Elle n’aimait plus mon père. Elle le détestait. Elle n’a pas employé ce mot – enfin je ne crois pas me souvenir qu’elle ait employé ce mot – mais c’était clair dans sa façon de me dire les choses : elle le détestait. Il y avait des trucs entre eux deux – elle refusait de me dire quoi. Elle insistait sur un point : il avait toujours été un très bon père pour moi et elle voulait que je respecte sa mémoire. Il avait toujours été un très bon père – oui mais comme mari et comme amoureux il ne valait pas un clou. C’était ça que j’étais supposé comprendre. Les gens. Leurs statuts et tout ça. Leurs ambiguités. Ils sont bien pour ceci et mauvais pour cela. Ton père était une ordure avec moi mais un mec bien avec toi. Débrouille. Même aujourd’hui j’ai du mal.
Je fouille dans l’armoire. J’ouvre les deux grandes portes. Les robes accrochées à des cintres. Les tee-shirts – les sweat-shirts – les pulls – pliés en quatre et rangés sur les étagères. Les deux petits tiroirs sous les portes. Pourquoi je fouille je me demande. Je ne sais pas. Ca me fait du bien de fouiller – c’est tout. Tiroir numéro un : les petites culottes – les strings – les bas – les collants. Je me sens un peu honteux – un peu embarrassé. Je plonge les mains là-dedans. La douceur des matières. Les couleurs sombres : bordeaux – noir – anthracite. Une guépière noire qui se termine par un porte-jarretelle. Une nuisette presque transparente. Je rougis. J’essaie de ne pas l’imaginer en train de porter ça. Je n’y arrive pas.
Tiroir numéro deux : une simple boite en carton – mon cœur s’accélère comme si je savais à l’avance. J’ouvre la boite. Un gode rose en forme de bite. Un vibro violet terminé par des ergots. Un gode en forme de galet. Un gode de la taille d’un batonnet de rouge à lèvres. Des boules de geisha. Je connais les boules de geisha j’ai déjà vu une meuf s’en mettre sur une vidéo sur internet. J’ai le cœur qui bat vite. Je me sens pas très bien – un peu honteux. Sous tout ça un CD vierge dans un boîtier en plastique. Je retourne le cd. Il est gravé presque en totalité. Je le remets dans son boîtier. Je jette le CD sur le lit. Je suis perplèxe. Je suis honteux.
Ma mère n’a jamais bossé – ça ne m’a jamais étonné – déjà du temps de papa – avant qu’il meure – elle ne bossait pas : c’est lui qui ramenait la thune. Lui il était ingénieur. On avait du pognon. Ensuite il y a eu l’assurance-vie – je crois que ça nous a fait tenir un bon moment. Peut-être un an ou deux. Après elle a fait de la voyance par téléphone – elle était bonne à ça. Des tas de gens l’appelait elle. Elle avait choisi un prénom nul pourtant : elle s’appelait Catherine pour les clients – Cathy pour ceux qui la connaissait bien. C’était toujours les mêmes histoires – des fois elle me racontait – c’était toujours des gens qui appelaient pour savoir si leur mec ou leur nana les trompait – y’avait plus de nanas que de mecs qui appelaient – en général des mères au foyer – et toujours des gens qui voulaient savoir si ils allaient retrouver du boulot. Aucune histoire pittoresque ni aucun maboule. Que des ringards bien normaux qui n’en voulaient qu’à l’amour ou au fric et souvent aux deux en même temps. Ma mère leur tirait les tarots par téléphone. Le mercredi je la voyais faire. Elle tirait vraiment des vraies carte et elle les baratinait. De toute façon les gens voulaient toujours entendre la même chose : des bonnes nouvelles enrobées de menaces un peu flippantes. Les gens se faisaient juste des films de seconde zone. Ce qu’ils voulaient c’étaient la certitude du happy-end mais en chier un petit peu avant d’y parvenir – histoire de donner de la valeur à leur bonheur j’imagine. Quelque chose comme ça. En tout cas ça marchait bien pour ma mère.