Ils sont excédés et montent désormais aux barricades. Les riverains de l'Usine, à la place des Volontaires, viennent de frapper un grand coup. Ceux de la rue du Tir ont déposé une pétition exigeant l'arrêt total des activités à minuit.
Il est temps, estiment-ils, «de déplacer les activités de l'Usine, incompatibles avec un quartier d'habitation». Le tout au moment où le haut lieu de la culture alternative renégocie son bail avec la Ville de Genève (lire ci-contre). Mais aucun des signataires n'a souhaité s'exprimer sans le couvert de l'anonymat. Les autres étaient injoignables hier.
Simultanément, un autre texte, daté de mai 2005 et botté en touche par la municipalité, a été réactivé par les habitants du 12, rue de la Coulouvrenière. Ils demandent une meilleure cohabitation des «deux mondes». Car «n'importe quel café engendrant de telles nuisances fermerait ses portes en deux semaines. Il y a deux poids, deux mesures. La Ville doit prendre ses responsabilités», explique Anne-Michèle Stupf Schwarz.
Les mêmes faits sont dénoncés dans les deux textes: excréments dans les allées, vomis, bagarres, deal et cris agrémentent les week-ends de ce secteur récemment «babouinïsé».
Patrice Mugny voit rouge
Mais cette fois, les autorités ont pris le taureau par les cornes. Une médiation entre les habitants et l'association de l'Usine a été créée sous la houlette de Patrice Mugny et Pierre Maudet, conseillers administratifs de la Ville de Genève.
«Il y a un vrai problème. De minuit à 6 h, le public se comporte extrêmement mal», relève Patrice Mugny. C'est pourquoi, dès le mois de mars, des éducateurs y effectueront un «travail de civilité pour «conscientiser» le public». «Si en juin, nous ne constatons aucune amélioration, il faudra envisager des mesures plus drastiques, comme l'interdiction des concerts rock et des soirées techno», annonce le maire. C'est-à-dire les seules activités qui dépassent minuit! Mais il n'est pas question de fermer complètement l'Usine, nuance-t-il. En clair, soit l'Usine prouve «qu'elle peut s'intégrer, soit une partie sera déplacée». Un comble pour Marcelle Braegger, permanente du lieu. «Les habitants savaient que l'Usine était là lorsqu'ils se sont installés. Car, faut-il le rappeler, ce quartier n'était pas résidentiel lorsque la Ville nous a octroyé le bail associatif.» D'autre part, «il y a une multitude d'autres boîtes de nuit qui créent aussi des nuisances dans les environs», conclut-elle.
Autant dire que l'annonce fera l'effet d'une bombe dans le milieu alternatif. Surtout qu'Artamis va bientôt fermer boutique et que la Cave 12 l'a déjà fait.
Le bail échoit en décembre
L’Usine est liée à la Ville de Genève par un bail associatif renouvelable. Ce contrat doit justement être prolongé à la fin de l’année. C’est dire si ces pétitions tombent au plus mal pour l’association. Il semble en effet probable que le prochain bail stipule la nécessité de tenir compte des doléances des voisins. «C’est vrai, les négociations pourraient être influencées par ces nouveaux éléments», reconnaît Marcelle Braegger, permanente de l’Usine. Même si les nuisances proviennent surtout de l’extérieur.
De multiples activités
Créée en 1989, l’Usine draine chaque week-end plus de deux milles jeunes avides de se retrouver dans l’un des derniers endroits bon marché de la ville. Les prix pratiqués contribuent grandement à son succès.
Hormis les soirées technos et les concerts qui ont fait la bonne ou mauvaise réputation des lieux, le bâtiment abrite des multiples activités. Des ateliers pour artistes au cinéma Spoutnik, en passant par l’Espace Ford dédié à l’art contemporain, plus d’une dizaine d’associations s’y regroupent. (mgt)
